Moments Fugitifs 06
Verger secret et poires précieuses
par Danielle Bourgeois
Cuisinière et épicurienne
C’était la fin de l’été et la plus belle des lumières de fin de journée inondait le verger. Les arbres bien chargés, la récolte allait bon train. C’était le temps des prunes. Vous savez peut-être déjà combien on les aime, les prunes locales… Trop excitées de savoir la cueillette débutée, nous étions venues en chercher quelques unes, nos premières de la saison, à utiliser pour les desserts de la fin de semaine. C’est donc les mains dans les prunes que j’ai saisi l’ampleur de la chose. Le travail et la passion de l’ami pépiniériste. Sous son oeil attentif (et aimant) c’est non seulement des prunes, mais des pommes, pommettes, poires, coings et bien d’autres trésors encore, qui poussent tout près de nous! La chance que nous avons!
Dans le verger, donc, les arbres étaient pleins des fruits qui feraient leur chemin jusqu’à nous, puis jusqu’à votre assiette. Vous dire les couleurs, l’odeur, la beauté du travail de monsieur Anctil en association avec celui de la nature… oui, la chance que nous avons! Celle d’avoir un accès privilégié à certaines variétés rares, voire uniques, des variétés patrimoniales autrement oubliées et qu’on se fait un devoir de célébrer, avec vous… c’était au début de septembre.
Nous voilà en novembre et joliment déposées sur ma table près de la fenêtre se trouvent des poires locales. Bien évidemment cultivées avec amour et attention, il va sans dire. De belles petites poires asiatiques. Nashi. Des poires qu’on connait quand même bien et qui sont faciles à trouver en épicerie, mais dont on ne se doute pas qu’elles puissent pousser ici… et pourtant! Leur culture, bien que marginale, est totalement possible en nos terres… pour notre plus grand bonheur.
Ces petites précieuses à la peau dorée ou d’un jaune délicat selon la variété, je les ai observées. Dans la lumière de l’automne j’ai eu envie de les dessiner. Puis je les ai senties. Touchées. Goûtées, aussi. Elles nous ramènent un peu au printemps dès la première bouchée. Elles ont un goût subtil, fin, un peu floral qui laisse parfois même un léger souvenir d’eau de rose. Elles sont croquantes, craquantes… leur jus explose en bouche, frais et revigorant… agréable comme le printemps!
Alors qu’on entre dans la saison de la chasse, des jours gris, des grands vents et de la pluie qui ne finit plus de pleuvoir, ces poires sont un réel plaisir. Pour les yeux, et pour le ventre. Vous ai-je déjà dit la chance que nous avons?